lundi 17 mai 2010

Sale temps pour les abeilles !

Un apiculteur d’Azans, village sur la rive gauche du Doubs, aujourd’hui devenu un quartier de Dole, connaît ces dernières semaines une lourde perte dans ses ruches.

Jugez des dégâts :
« Depuis le 19 avril , dit son message diffusé par mail, j'ai constaté des troubles anormaux sur mon  rucher d'Azans, qui compte plus de 50 colonies ; idem à Brevans (30  colonies).
J'ai pris le temps de filmer les abeilles qui ne cessent de  s'épouiller, qui tombent devant les ruches. J'ai prélevé des abeilles symptomatiques et du pollen. J'ai prévenu la DSV (Direction des Services Vétérinaires, qui ne semble pas très pressée d'élucider cette  affaire et qui, ce 15 mai, n’a pas encore donné signe d’un moindre souci de vie des abeilles. L'ADAFC - Association de développement de l'apiculture en Franche Comté- dont le siège est à la Chambre régionale d'Agriculture, est, elle, débordée d’appels de tout le département) Le 7 mai, après une semaine de pluie, les abeilles ont effectué un  butinage de rattrapage. A 18 heures, il y avait des centaines d'abeilles  tremblantes devant chaque ruche. » De plus, maintenant, les couvains sont dépérissants…
Patrice Cahé, l’apiculteur, a voulu alerter les autorités. La police nationale ne répond pas, à défaut de plainte déposée (cette précision, ça concerne la police NATIONALE), les gendarmes lui ont quant à eux conseillé de trouver un métier comme tout le monde, au prétexte qu’élever des abeilles n’était qu’un passe-temps sympathique. La police municipale s’est déplacée, pour constater l’état des choses, ce qui est une maigre consolation.

Les responsables sont sans doute quelques-uns, qui arrosent leurs champs au prétexte d’assainir les sols ; mais l’un d’entre eux est connu, vu qu’il exploite sur la prairie d’Assaut - ainsi nommée pour avoir été le terrain d’occupation des troupes françaises lors des sièges de la ville au XVIIe siècle - sur l’autre rive, en face d’Azans. Rencontré par l’apiculteur, il a reconnu avoir semé 12 hectares de semences de maïs enrobées de Cruiser (molécule active : thiaméthoxam), et cela depuis deux ans. Ce n’est pas un hasard si Patrice Cahé a déjà connu de lourdes pertes de son cheptel d’abeilles l’an passé, comme il en témoignait lors du débat suivant la projection du film Disparition des abeilles: la fin d'un mystère, de Natacha Calestrémé, à la MJC de Dole, pendant la Semaine du développement durable.

Avec la sécheresse qui sévissait début avril, les terres arrosées d’insecticide étaient très sèches, « comme de la cendre » (dixit l’agriculteur si peu précautionneux et pourtant doué de jugement). (Euh… oui… et alors ? Qu’est-ce qu’il faut tirer de cette remarque ?) et on sait que ce type de semences enrobées dégage dans ces conditions de la poussière où se trouve la molécule incriminée.

Isabelle Nouvellon , adjointe au maire de Dole, chargée des politiques de développement durable, a quelques leviers pour agir a posteriori - en tout premier lieu, provoquer une réunion avec la Chambre d’Agriculture pour changer les termes d’une convention qui lie les agriculteurs de la prairie d’Assaut à la Ville de Dole et à la Lyonnaise des  Eaux, car ce sont des terres qui circonscrivent les puits de captage. Pour l’heure, rien de très contraignant : les prairies en herbe y sont préférées à tout mode de culture, mais hélas, cette zone, inondable, humide, est pour le GAEC du coin faite tout exprès pour les maïs. Et s’il leur est demandé d’être attentifs à la  réglementation concernant notamment l'usage de produits phytosanitaires, ils n’en font qu’à leur tête.

Pourtant vous n’ignorez rien du phénomène de la disparition des abeilles… Quelques chiffres records piochés sur le site http://www.science.gouv.fr : de la fin de l’année 2006 à la fin de l’hiver 2007, perte de 60 % des colonies aux USA et jusqu’à 90 % dans certains États de l’Est et du Sud ; 40 % des ruches se sont vidées au Québec, 25 % des colonies sont décimées en Allemagne, idem à Taiwan, en Suisse, au Portugal, en Grèce et dans de nombreux autres pays d’Europe.

Patrice Cahé est plein d’amertume, car il a tenté depuis deux ans d’alerter les exploitants agricoles de ce danger, en leur demandant une chose très simple : l’alerter des dates d’arrosage aux pesticides et autres insecticides d’ensemencement ou de traitements, afin qu’il prévoie un éloignement ou un confinement des ruches. Une démarche respectueuse et du travail des uns et des autres, et des abeilles, qui n’a pas été prise en compte non plus ! Après le Gaucho, que l’exploitant a déclaré avoir utilisé préalablement, et aujourd’hui interdit en France, le Cruiser est mis en cause, ce qui n’a pas empêché l’Agence française de sécurité sanitaire alimentaire (Afssa) de rendre néanmoins un avis favorable à son utilisation, assorti de nombreuses précautions et recommandations, pour la sécurité des abeilles notamment.

« Les abeilles domestiques (Apis mellifera), par leur consommation de nectar et de pollen, peuvent être intoxiquées par une exposition unique (toxicité aiguë) ou répétée (toxicité chronique) à ces insecticides. Les molécules peuvent induire la mort des abeilles ou provoquer des effets sublétaux sur leur physiologie, leurs capacités cognitives et leur comportement, qui en retour peuvent occasionner des pertes d’abeilles ou affecter le développement de la colonie. »1 (À quelle note cet appel de note renvoie-t-il ? à celle qui est en bas de cette page, les petits n° qui s’y trouvent correspondent aux différents labo.

La triste conclusion de cette triste affaire est donnée par Isabelle Nouvellon dans sa réponse à l’apiculteur : « Quel monde ! Cet agriculteur n'est même pas conscient que c'est grâce  à vos abeilles que ses plants sont pollinisés, c'est incroyable !  »

1 commentaire:

Eric Federici a dit…

Merci pour cet article.

On en complétera la lecture en visionnant le documentaire diffusé hier soir sur ARTE pour comprendre l'ampleur du problème : http://www.arte.tv/fr/Comprendre-le-monde/Le-mystere-de-la-disparition-des-abeilles-_7C-Les-dernieres-revelations-d-ARTE/3166056.html

Sale temps pour le monde vivant...